1m2; c’est l’espace souterrain que les autorités suisses prévoient pour chaque personne officiellement enregistrées en Suisse afin de se protéger en cas de conflit armé ou de catastrophe naturelle. Omniprésentes dans l’environnement bâti, ces structures de défense civile rassurent autant qu’elles peuvent matérialiser dans le quotidien de chacun·e la peur qui a participé à leur développement. C’est en effet dans un contexte de Guerre froide marqué par une course à l’armement nucléaire et de peur d’une troisième guerre mondiale que la construction massive d’abris de protection civile – communément appelés “abris PC” ou “bunkers” – prend racine. Parfois oubliée, ou ignorée, cette politique connaît des regains d’intérêt régulier en lien avec la situation politique nationale et géopolitique internationale, comme cela a été le cas en 2022 après le début de la guerre en Ukraine. 

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Aux abris est une invitation à (re)penser l’histoire, les utilisations ainsi que la postérité de ces espaces souterrains en Suisse. Située au sein même de son objet – dans l’abri PC désaffecté de l’ancienne poste de la gare de Lausanne – cette exposition aborde l’histoire de leurs constructions, leurs usages réels et imaginés ainsi que leurs potentielles réappropriations en tant qu’espaces communs.

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Le premier volet de l’exposition aborde l’histoire de la construction de ces ~ 9’000’000 de mètres carrés répartis sous l’ensemble du territoire helvétique. Il met en perspective l’approche anxiogène et sécuritaire qui a dominé le développement de cette politique de défense nationale totale depuis la seconde moitié du XXème siècle.

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Le deuxième volet s’intéresse aux nombreux usages privés et publics des abris PC qui se sont substitués à leur utilisation planifiée. Des collectivités publiques ainsi que des privés les utilisent comme lieux de stockage, salles de sport, locaux de répétition, ou même terrains de pétanque. Autant d’usages récréatifs et libérés – ou du moins éloignés – de leur usage planifié pour la défense et la protection. Mais ces abris PC sont également utilisés par les autorités publiques à partir des années 1990 pour y loger des personnes exilées et sans-abris, transformant ces espaces en dispositifs de “gestion des indésirables”. En ce sens, ce volet met en lumière le remplacement de l’imaginaire d’évacuation verticale de la population suisse par la pratique de “relégation verticale” des indésirables, mettant en lumière les utilisations différenciées de ces espaces en fonction de leurs occupant•e•s.

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Finalement, le troisième volet explore la postérité de ces espaces souterrains ainsi que la possibilité d’une utilisation émancipée de ceux-ci dans un dialogue créatif sur l’environnement construit et les relations entre espaces, communautés et individus. Si ce 1m2 était redistribué à chacun•e, quels usages se développeraient ? Espace culturel, espace social, espace politique, pourrions-nous construire de nouveaux rapports critiques à ces abris, créant une résistance au narratif anxiogène et coercitif qui les régit ?